El periódico Le Monde:
Sensibilités musulmanes
Combien Le Monde compte-t-il de lecteurs musulmans ? Je l'ignore, et, Dieu merci, la croyance religieuse — ou l'incroyance — ne figure dans aucune enquête statistique. Mais un certain nombre de lecteurs qui nous ont écrit ces derniers jours revendiquent leur appartenance à l'islam. Leur courrier, on le devine, ne concerne ni les primaires à gauche ni l'OPA de Mittal Steel sur le groupe Arcelor, mais les caricatures de Mahomet.
Paradoxalement, on utilise en France un mot issu du turc, alors que la plupart des musulmans de l'Hexagone sont d'origine arabe. Mais "Mahomet", consacré par l'usage, n'a rien de péjoratif. Et il existe suffisamment de sujets de controverse pour qu'on n'y ajoute pas celui-là...
"Je suis choquée et indignée des caricatures diffusées dans votre journal, écrit Laïla Louati (courriel). Ce que vous défendez n'est pas la liberté d'expression mais la libre expression de votre racisme. (...) Vous participez à la décrédibilisation de la France. Etes-vous conscients que vous mettez en danger la vie de ressortissants français dans le monde musulman, que vous alimentez la haine contre l'Occident ?"
L'affaire des caricatures danoises était commentée dans Le Monde du 3 février par un grand dessin de Plantu et par un éditorial qui défendait la liberté d'expression, dans les limites fixées par la loi, tout en dénonçant "l'amalgame, injuste et blessant, entre l'islam et le terrorisme". C'est dans le numéro daté 5-6 février que deux des douze caricatures incriminées ont été publiées. Non pas par défi ou par solidarité avec le quotidien danois, mais, comme cela était indiqué, pour offrir aux lecteurs "des éléments graphiques de compréhension du débat". Et, pour ne pas jeter de l'huile sur le feu, Le Monde s'est "abstenu de publier les caricatures les plus offensantes".
Le dessin de Plantu, qui alliait le texte au trait ("Je ne dois pas dessiner Mahomet, je ne dois pas dessiner Mahomet..."), n'était pas dirigé contre l'islam et n'a d'ailleurs pas été interprété ainsi. C'était une manière de défendre la liberté d'expression et de brocarder l'intégrisme, en ne s'en prenant ni à une religion ni à son fondateur. Chacun l'a "lu" à sa façon. Un lecteur a même cru discerner, sous la barbe, le visage de Léonard de Vinci...
Fuente Le Monde.fr
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